Michel et Gin • La France des rues Gambetta et des places de la République

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J’avais entendu Michel et sa chienne Gin, une pointer, lorsqu’ils étaient passés une première fois à côté de ma tente que j’avais plantée dans un étroit chemin de la forêt de Mimizan. Une heure plus tard, alors que je pliais mon matériel, il est venu à ma rencontre, il avait envie de parler. Michel, 57 ans, est un ancien employé des Papeteries de Gascogne. Retraité depuis 7 ans, il a été contaminé dans ses vingt ans par des fibres d’amiante de l’usine qui l’employait.

« J’aime la France comme elle était avant »

Il m’a surpris, vous allez comprendre plus loin pourquoi. Car l’un des premiers sujets qu’il a voulu aborder était celui de l’immigration et le classique « Je ne suis pas raciste du tout, mais… que ce soit un Rom, un blanc qui vienne de façon irrégulière, je comprends pas, ça casse tout ! » Il déplore que des étrangers viennent travailler pour 500 €. Selon lui c’est normal que les patrons en profitent. Il est allé parler au chef de chantier d’un rond-point qui se construit non loin de chez lui et se lamente de n’avoir croisé personne qui parlait français. « Alors, que le petit français qui fait construire sa maison emploie au noir des roumains pour avoir sa maison moins cher… mais là !? Un rond-point à Mimizan ? Je ne crois pas que ce soit moins cher, il nous coûte très cher ce rond-point. » Pourtant il ne veut pas sortir de l’Europe, ce qui signifierait le retour des guerres ; il est en faveur d’une Europe intelligente qui permettrait la circulation des gens mais interdirait de faire travailler quelqu’un pour 500 € parce que c’est légal « chez lui » : « Je suis même pour “la planète entière”. »

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Il m’explique qu’il ne comprend pas pourquoi une personne qui vient illégalement en France peut y rester alors que lui, au bout de 3 mois, il est obligé de quitter un pays qu’il visite ;  il faut respecter les règles : « Moi je jouais au rugby, et il y a en avant ou il n’y a pas en avant, il n’y a pas de petit en avant, tu fais pas la passe à plat, mais en arrière. On sait pas faire et on laisse pourrir le truc. »

Pour lui, la France c’était mieux avant. Désormais, il n’y  a plus de boulot, quelque soit le diplôme, et des clochards partout. Les adultes doivent payer pour les études des jeunes et pour les maisons de retraites des vieux : « Les jeunes n’auront jamais un rond ; c’est impossible de se loger à Paris. Dans les années 70, on faisait les Castors, il y avait du boulot, il y avait du respect, on disait bonjour. Maintenant ce sont des sauvages, on est dix fois plus con qu’avant. »

Et il illustre son point de vue par une anecdote : en se rendant à Pôle Emploi pour sa fille, il est accueilli par une employée et se sent pris de haut, « elle m’a pris pour un con, elle ne savait même pas écrire sans faute d’orthographe, (…) les gens sont beaucoup moins intelligents qu’avant, ce  qu’on apprenait à l’école, ils ne savent plus rien… Ils savent plus qui est Ramsès. »

« Les singes ils vivent, les chevreuils ils vivent, on se croit intelligent, mais on passe notre vie à travailler et ensuite on est crevé… »

Et malgré tout ce que vous avez pu imaginer en lisant le début de cet article, Michel est un électeur historique de gauche, il avait donné sa voix à F. Hollande en 2012 et il n’est pas du tout satisfait de son mandat : « il a donné du pognon aux entreprises, aux riches, il faut le donner aux pauvres : le revenu universel c’est exactement ce qu’il faut ! (…) Les singes, ils vivent, les chevreuils, ils vivent ; on se croit intelligent, mais on passe notre vie à travailler et ensuite on est crevé… dans cette société de merde. »

C’est ce que j’appelle la France des rues Gambetta et des places de la République, ou inversement, une France totalement dépassée par une globalisation qu’elle ne maîtrise pas mais qui ne renie pas ses valeurs de générosité. Il ne se reconnait plus dans la France dans laquelle il vit, tout en m’expliquant qu’à son époque les gens n’avaient rien contre les pauvres ou les riches.

Il défend un revenu réellement universel pour tous les Français, riches ou pauvres, « il ne faut pas que le pauvre soit méchant envers le riche. » Le travail des hommes, remplacé par celui des machines, ne paye plus, il souhaite un revenu d’environ 700 € : « Et tant mieux puisque le travail nous fatigue, c’est dur à accepter parce que nous on a travaillé, je m’en fous moi si mes gosses ne travaillent jamais. Hamon, il a raison ; si le patron veut te faire travailler, il te donne 300 €. Et moi je pourrai répondre :  « pour ça je préfère aller pêcher ». Le patron il va falloir qu’il te paye, alors il y a celui qui se contentera de ça, d’une petite vie, et celui qui veut rouler en Porsche, en Audi, le rêve du con moyen, ça existera toujours, mais celui-là il faudra qu’il travaille. De toute  façon qu’est ce qui paye maintenant ? le football, la drogue, prêter de l’argent ? Non le travail ne paye plus. Il faut trouver le moyen de faire vivre les gens raisonnablement sans qu’ils ne s’entretuent. »

Et pour renforcer son point de vue sur le RUE, il ajoute qu’il a été choqué que les allocations familiales aient été supprimées en fonction des revenus : « c’est pas un truc de gauche ! Le mec, il se démerde pour faire des études, avoir un bon métier, il gagne bien, il se marie avec une femme pas trop con qu’il a connue à l’école, ça fait double salaire et on lui dit : “non, toi, tu seras puni, parce que tu gagnes beaucoup”, on est foutu, et c’était d’entrée ».

Sur les valeurs sociales, il milite en faveur d’un mot différent pour mariage homosexuel.  Le mot existait dans le dictionnaire et on ne doit pas en changer le sens ; il aurait donc choisi le « biage » pour désigner un mariage d’un couple du même sexe et éviter la fracture que cela a généré dans la société française. En tant qu’ancien enfant de cœur, il ne comprend pas que les catholiques soient aussi braqués, « on est presque aussi tarés que les autres qui sortent la kalachnikov ; des intégristes chez les catholiques, je pensais pas. Ma religion je la connais un peu, et nulle part c’est être con. »

 

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