Rencontre avec des militants socialistes à Hénin-Beaumont

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À mon entrée à Hénin-Beaumont j’ai été surpris par le grand vide entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sur l’un des affichages municipaux réglementaires dédiés à la publicité électorale. Appelons ça du vandalisme électoral, ou un déni de démocratie, comme vous voudrez.

Cette commune est l’un des lieux dans lesquels je souhaitais faire étape pendant mon tour de France. Transformée en fief par Marine Le Pen où elle a failli s’y faire élire comme député il y a 5 ans face à Jean-Luc Mélenchon qui avait voulu en faire une revanche de l’élection présidentielle, elle est dirigée par un maire FN depuis 2014 et est devenue un emblème de la gestion municipale à la mode Marine.

Je pédalais curieusement lorsque j’ai aperçu 3 personnes qui déchargeaient des tracts d’un coffre de voiture. J’ai immédiatement reconnu l’affiche de Benoît Hamon dans leurs bras. Je suis naturellement allé à leur rencontre pour leur demander leur sentiment sur le climat dans la commune et l’accueil qu’ils recevaient parmi les électeurs. J’ai passé une demi-heure à deviser avec Mariette, Samira et Fabrice, militants socialistes.

Seules les affiches de JLM et de MLP restent en état • id : jh.56d.047

L’un des premiers constats qu’ils m’ont livrés est qu’ils sont en pleine reconstitution de la section socialiste à Hénin-Beaumont. Rappel pour ceux qui ne sont pas au fait de l’histoire de la commune, elle a été dirigée pendant des années par Gérard Dalongeville révoqué en Conseil des Ministres pour « gestion dispendieuse » (des fausses factures quoi…), ce qui a bien préparé le terrain pour l’arrivé du Front National au pouvoir 5 ans plus tard par l’intermédiaire de Steeve Briois, colistier de Marine Le Pen aux élections législatives. Suite à un scandale financier lié au PS et un revers électoral retentissant, ils partent donc très humbles et avec la modeste ambition de faire baisser le score du FN.

La question suivante concernait l’espoir qu’ils avaient de voir leur champion accéder au second tour et s’il n’aurait pas du s’allier avec Jean-Luc Mélenchon (OK, question classique, mais j’avais envie d’avoir l’opinion de militants…) C’est Samira qui m’a répondu du tac au tac : « les valeurs des gens de gauche sont les mêmes, on a des amis communistes, mais la vision économique est différente et la culture du militantisme chez les insoumis n’est pas la même que chez nous. » Mariette abonde : « On peut discuter avec eux, mais eux ne discutent pas avec nous » avant que Samira ne conclue : « c’est une question d’idéologie, pour eux c’est comme on leur a dit et pas autrement. Si tu diffères de la ligne, ça ne va pas ».

Au cours de la discussion, je découvre que Mariette avait voté pour Manuel Valls tandis que Samira et Fabrice avaient choisi Vincent Peillon. Ils doivent donc faire la campagne pour un candidat avec qui ils ne partagent pas tout à fait la même vision du quinquennat et du socialisme. Lorsque je questionne ce hiatus, ils me répondent de façon presque collégiale : « au PS on arrive tous avec nos personnalités, on a voté pour un candidat lors de la primaire, on a fait marcher la démocratie. Benoît Hamon c’est avant tout un socialiste, d’ailleurs Manuel Valls qui a choisi de soutenir Emmanuel Macron reste un socialiste à part entière. » Mariette complète tout de même, pessimiste : « on est passé au-dessus de la trahison de Hamon envers Valls, mais au deuxième tour je n’en vois pas un pour rattraper l’autre ».

Tous trois valident le bilan de François Hollande et lorsque je leur demande si finalement leur choix le plus proche intellectuellement ne serait pas celui d’Emmanuel Macron, Samira éclate d’un rire qui cache mal un certain acquiescement, mais Mariette reprend vite : « c’est un opportuniste, ni gauche ni droite ça n’existe pas, c’est pas naturel. On est pas de droite nous, la droite c’est amasser de l’argent, moi je suis attachée aux valeurs humaines, c’est ça mon partage, il y a une différence. » Samira me confirme tout de même mon intuition : « je n’adhère pas à 100% à son programme, mais je suis socialiste et je fais sa campagne ! Concernant François Hollande, il a eu un quinquennat compliqué. Il a su rester droit dans la tempête : il a dû faire face aux attentats, à sa majorité qui se divise, aux attaques des frondeurs. Un Président ce n’est pas un magicien, on a hérité d’un bilan catastrophique de Sarkosy, mais on ne peut pas tout changer d’un coup de baguette magique. En tant que maman et travailleuse, je vois les changements au quotidien. Ceux qui disent que le quinquennat a été une catastrophe sont de mauvaise foi, ce n’est pas possible autrement. J’ai une collègue qui me disait l’autre jour, « les socialistes on en a marre », alors je lui demande si elle touche la prime d’activité ? Elle me dit « Ben oui » et je le réponds : « Qui l’a mise en place ? Ce sont les socialistes ! ». Il y a tout un tas de petites choses, mais plein de gens ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ».
Mariette enchaîne : « on rabâche des choses négatives à longueur de journée alors on ne retient que du négatif », ce que Samira explique : « les Français n’aiment pas le changement, c’est comme quand tu es bien dans tes vieilles pantoufles toutes pourries, tu ne veux pas en changer, et bien pour les Français c’est pareil, même si ce qu’ils vivent n’est pas bon pour eux, t’as beau leur expliquer qu’il faut changer ils ne veulent pas. Par exemple la réforme des rythmes scolaires est excellente, le mariage pour tous est une grande avancée même si cela ne représente pas le quinquennat, ce sont plein de petits messages qu’on passe aux Français, l’égalité ça passe par ça, mais je sais que je suis une bisounours ».

Une maison à Hénin-Beaumont, je m’interroge toujours sur le sens de ce drapeau français et j’en veux aux Français et à moi même • id : jh.56d.045

Avant de nous quitter, nous sommes convenus de nous retrouver pour passer le dimanche ensemble, je serai donc « embeded » dans leur équipe le grand jour du premier tour. J’ai hâte de voir les coulisses de l’élection, de voir les électeurs, et évidemment de connaître le dénouement de cette première partie de campagne.

Bleu, blanc rouge !

Peu de temps après, en me rendant chez mes hôtes du soir, je me suis arrêté devant cette maison pour la photographier, bien évidemment en raison du drapeau suspendu à la fenêtre. La rencontre qui avait achevé de me convaincre de partir pour ce voyage était celle d’un électeur médocain, la péninsule au nord de Bordeaux, qui, lorsque je lui avais demandé pour qui il allait voter, m’avait répondu « bleu blanc rouge… (?) Marine ! »

Cette vision bouclait en avance une boucle que je ne finirai que dans 2 semaines à Paris. Pourquoi avons-nous abandonné nos couleurs à un camp ? Pourquoi porter un drapeau français est-il associé à un camp que l’on a laissé s’approprier les valeurs et une partie de l’histoire à tel point qu’il est devenu honteux de porter ce drapeau ou de l’afficher sauf les lendemains de drames nationaux ?

Et bien pas pour moi. Vous n’avez qu’à retourner en haut de cette page, nos couleurs j’en suis fier, sans haine ou mépris (dans l’esprit bienveillant des entretiens que j’ai mené avec toutes les sensibilités), je peux dire que je ne vote pas pour CE «bleu, blanc, rouge ».